Valeur technique d'une offre, critères d'évaluation et mémoire technique

Valeur technique d'une offre, critères d'évaluation et mémoire technique

Le critère de la "valeur technique" est l'un des critères clés de jugement des offres utilisés par les acheteurs publics pour sélectionner l'offre économiquement la plus avantageuse dans le cadre d'un marché public soumis au code de la commande publique.

Ce critère, prévu dans le règlement de consultation, fondamental par son poids dans la notation via la méthode de notation, est jugé sur la qualité du mémoire technique, document décisif pour un entreprise pour remporter un marché public. IIl intervient dans le choix des offres via l'analyse et peut comporter plusieurs sous-critères de jugement. Il est jugé via une grille d'analyse des offres techniques utilisée par le pouvoir adjudicateur.

Cet article détaille les principaux éléments à prendre en compte pour bien apprécier et noter la valeur technique d'une offre, en s'appuyant sur la réglementation et la jurisprudence en vigueur.

Introduction

Selon les textes réglementaires, pour attribuer un marché public au candidat ayant présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, l'acheteur peut se fonder sur une pluralité de critères non discriminatoires liés à l'objet du marché.

Parmi ces critères figure le critère de la "valeur technique", fréquemment apprécié sur la base d'un mémoire technique exigé des candidats lors de la remise de leur offre.

D'autres critères courants sont le prix, la qualité, les performances environnementales, l'insertion professionnelle, le coût global d'utilisation, le caractère innovant ou encore les délais de livraison ou d'exécution.

Cependant, aucun texte ne précise ce qu'il faut entendre par "valeur technique", laissant une certaine marge d'appréciation aux acheteurs.

Définition et sous-critères de la valeur technique dans un marché public

Définir la valeur technique avec précision

Face au caractère assez subjectif du critère de "valeur technique", l'acheteur public a tout intérêt à le définir avec précision en ayant recours à des sous-critères objectifs, opérationnels et non discriminatoires. Ces sous-critères doivent être mentionnés dans le règlement de la consultation, afin d'éclairer les candidats sur les attentes de l'acheteur.

Via un mémoire technique spécifique et précis par rapport aux attentes de l'acheteur

Le règlement de la consultation détaille généralement ce que l'acheteur attend au titre du contenu du mémoire technique à fournir pour apprécier la valeur technique de l'offre. Le mémoire technique doit être spécifique et suffisamment précis par rapport aux attentes de l'acheteur dans la réponse aux besoins exprimés.

Comme l'illustre la circulaire du 25 septembre 1991, dans le cas d'un marché de travaux, un mémoire technique de qualité peut par exemple comprendre des indications sur la provenance des matériaux, un programme d'exécution des ouvrages, l'indication des procédés d'exécution envisagés et des moyens utilisés, les mesures prévues pour l'hygiène et la sécurité sur le chantier, ou encore celles prévues pour la réduction des nuisances.

Importance du degré de précision du mémoire technique pour le critère valeur technique

La jurisprudence administrative souligne l'importance pour les candidats de fournir un mémoire technique détaillé et spécifique, en adéquation avec les besoins exprimés par l'acheteur. Ainsi, selon un arrêt du tribunal administratif de Paris du 5 janvier 2024 (n° 2328772), un mémoire technique trop général et insuffisamment précis par rapport aux attentes peut être considéré comme une offre irrégulière et être rejetée.

De même, le Conseil d'État a jugé dans un arrêt du 8 février 2010 (n° 314075) que le choix d'une offre ne peut se fonder sur les seules références des entreprises candidates, mais doit reposer exclusivement sur la valeur intrinsèque de l'offre telle qu'elle ressort du mémoire technique fourni.

Exigences sur l'exactitude des informations

Au-delà de la précision du mémoire technique, les candidats doivent également veiller à l'exactitude des informations et affirmations qui y sont portées. Comme l'a rappelé la cour administrative d'appel de Marseille dans un arrêt du 28 septembre 2015 (n° 14MA00612), la présence d'éléments inexacts, par exemple sur la détention de labels spécifiques, peut constituer un vice d'une particulière gravité justifiant l'annulation du marché et le paiement d'indemnités.

Dans le même sens, le Conseil d'État a jugé dans une décision du 9 novembre 2015 (n° 392785) que lorsque l'acheteur fonde un critère d'attribution sur une caractéristique technique déterminée, il lui incombe d'exiger des candidats la production de justificatifs permettant de vérifier l'exactitude des informations données.

Exigences sur le degré de précision des attentes de l'acheteur

Quid du degré de précision requis de la part de l'acheteur public pour définir ses attentes en matière de valeur technique ?

Selon un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 28 novembre 2019 (n° 17LY03290), un cahier des clauses techniques particulières (CCTP) définissant "clairement la nature et l'étendue des besoins" peut suffire à préciser les attentes de l'acheteur s'agissant du critère de la valeur technique.

L'article 7.2 du règlement de la consultation informait les candidats des critères retenus pour l'appréciation de l'offre économiquement la plus avantageuse ainsi que de leur pondération. En outre, si la société Ellipse soutient que le centre hospitalier n'avait pas précisé ses attentes s'agissant du critère de la valeur technique, pondéré à 35 %, et de celui de l'assistance technique, pondéré à 15 %, le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) définissait clairement la nature et l'étendue des besoins du centre hospitalier et, en particulier, l'organisation et les fonctionnalités souhaitées pour son site Intranet, les spécifications techniques, ainsi que les modalités de mise en oeuvre imposant au prestataire une assistance au paramétrage de la solution Intranet proposée et la mise en place de tous les éléments nécessaires à son fonctionnement, la formation des personnes ressources du centre hospitalier ainsi que la maintenance corrective et évolutive. Il ne résulte pas de l'instruction que la société Ellipse n'aurait pas été destinataire du CCTP avant la remise de son offre. Par suite, le moyen tiré de ce que l'article 62 du décret du 25 mars 2016 aurait été méconnu ainsi que celui tiré de ce que le pouvoir adjudicateur n'aurait pas suffisamment précisé ses attentes doivent être écartés.

En revanche, s'agissant des éléments d'appréciation spécifiques entrant dans la notation du critère de la valeur technique et de leur pondération, les juridictions exigent qu'ils soient portés à la connaissance des candidats avant le dépôt des offres.

Ainsi, la cour administrative d'appel de Douai a jugé dans un arrêt du 4 février 2020 (n° 18DA00156) que le fait de ne pas mentionner et pondérer ces éléments dans les documents de la consultation constitue une violation du principe de transparence des procédures, susceptible de léser les candidats.

Pondération des critères de sélection des offres dans le règlement de consultation

S'agissant de la pondération respective des différents critères d'attribution, l'acheteur dispose d'une assez grande liberté dans la fixation des coefficients. Toutefois, ce pouvoir de détermination n'est pas sans limite. Comme l'a jugé le Conseil d'État dans un arrêt du 10 juin 2020 (n° 431194), l'acheteur ne peut légalement retenir une pondération, en particulier pour le critère du prix ou du coût, qui ne permettrait manifestement pas, eu égard aux caractéristiques du marché, de retenir l'offre économiquement la plus avantageuse.

Dans le même sens, la cour administrative d'appel de Nantes avait considéré dans un arrêt du 29 mars 2019 (n° 17NT01869) qu'un critère technique pondéré à 90% et un critère de prix pondéré à seulement 10% n'étaient pas proportionnés et méconnaissaient les principes de la commande publique, dans le cadre d'un marché de prestations de formation professionnelle.

Il résulte de l'instruction que la pondération particulièrement disproportionnée entre le critère technique et le critère financier, dont le ministre de la défense n'établit pas la nécessité au regard de l'objet du marché de prestations de formation, a pour effet en pratique de contrecarrer la portée du critère du prix dans l'appréciation globale des offres. Ainsi, l'attribution d'une note technique supérieure de 10 points à un candidat par rapport à celles des autres, sur la base de plusieurs sous-critères dont le poids même pondéré est supérieur dans l'appréciation de l'offre globale de chaque candidat, neutralise manifestement le critère financier de sorte que les offres ne pouvaient être différenciées de manière significative qu'au regard de leur valeur technique. Dès lors, une telle pondération des critères est de nature à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie pour chaque lot. Ainsi, et alors même que le marché était fractionné à bons de commandes avec un maximum annuel de 10 000 euros TTC par lot, le ministre de la défense doit être regardé comme ayant, pour les lots de formation " achats publics " en litige, méconnu les règles de la concurrence et le principe d'égalité entre les candidats.

Qualité technique d'une offre évaluée par d'autres moyens que le mémoire technique

Enfin, il est intéressant de noter que dans certains cas particuliers, la qualité technique d'une offre peut être évaluée par d'autres moyens que le seul examen d'un mémoire technique.

Ainsi, le Conseil d'État a jugé dans une décision du 26 juin 2015 (n° 389124) qu'un essai imposé des prestations faisant l'objet du marché pouvait constituer un mode d'évaluation de la qualité technique d'une offre.

Pouvoir adjudicateur ayant imposé aux candidats d'accomplir, dans le cadre de la présentation de leur offre, et sous son contrôle, un essai des prestations faisant l'objet du marché, afin de permettre l'évaluation de la qualité technique de leur offre. Ni les dispositions de l'article 49 du code des marchés publics, ni aucune autre disposition ou principe n'interdisaient une telle exigence, dès lors que les essais réalisés n'ont donné lieu ni à une négociation avec le pouvoir adjudicateur ni à une modification de leur offre en méconnaissance des dispositions du I de l'article 59 du même code.

De même, dans une décision du 22 juillet 2016 (n° 396597), le Conseil d'État a estimé que l'acheteur n'était pas tenu de demander des justificatifs aux candidats dès lors que le règlement de la consultation n'en faisait pas une exigence particulière sanctionnée par le système d'évaluation des offres.

Lorsque le pouvoir adjudicateur prévoit, pour fixer un critère ou un sous-critère d'attribution du marché, que la valeur des offres sera examinée au regard du respect d'une caractéristique technique déterminée, il lui incombe d'exiger la production de justificatifs lui permettant de vérifier l'exactitude des informations données par les candidats. Toutefois, en l'espèce, s'il ressort des documents de la consultation que devaient être examinés, au titre du critère des effectifs humains et matériels, le nombre et les caractéristiques sommaires des véhicules utilisés, le pouvoir adjudicateur n'avait pas émis d'exigences particulières à cet égard sanctionnées par le système d'évaluation des offres stipulé par le règlement de la consultation et n'a donc pas manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en ne prévoyant pas de justificatif particulier.

Conclusion

En définitive, apprécier la "valeur technique" d'une offre dans le cadre d'un marché public implique pour l'acheteur de définir avec précision ses attentes, en recourant si besoin à des sous-critères objectifs et dûment portés à la connaissance des candidats.

De leur côté, ces derniers doivent veiller à fournir un mémoire technique détaillé, précis et rigoureusement exact afin de maximiser leurs chances d'être retenus. Le respect de ces bonnes pratiques, issues de la réglementation et de la jurisprudence, permet de garantir l'efficacité et la sécurité juridique de la procédure de passation des marchés publics.

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MAJ 25/02/24